Après l’autorisation de riba, le cochon deviendra-t-il halal ? – ©Shutterstock
Tout le monde ou presque rêve d’avoir une maison à soi avec son jardin, ses jeux pour les enfants, voire une piscine. Désirer ces biens matériels n’a rien de contradictoire avec la foi musulmane. Dieu ne nous jugera pas sur ce que nous possédons, même si nous sommes extrêmement riches, mais sur l’usage que nous faisons de nos biens matériels.
La fin ne justifie jamais les moyens
Sur l’usage, mais aussi sur la manière dont nous avons acquis ces biens : vendre de la drogue, braquer des bijouteries, escroquer son assureur, voler à la tire, vendre de l’alcool, vendre des produits volés, vendre son corps, etc. Toutes ces façons d’acquérir de l’argent sont strictement interdites en islam. C’est une évidence, n’est-ce pas ?
Il ne viendrait pas à l’idée d’un croyant, qui craint Dieu, d’aller vendre du shit ou de la cocaïne dans le but de s’acheter un appartement et d’en finir ainsi avec sa vie de locataire. Il pourra certes être peiné de payer tous les mois 500, 700, 1 000 euros de loyer, mais il ne choisira pas pour autant de dealer pour sortir de cette condition. D’autant que la loi, qui réprime la vente de drogues, permet de lui rappeler que l’illicite ici rejoint l’illégal.
Une fatwa pour déclarer la guerre contre Allah ?
A contrario, s’agissant du recours au crédit bancaire, fondé sur le principe de l’intérêt (riba), la frontière entre l’interdit et le permis devient plus floue, pour peu que l’on se voile la face. Le recours à l’intérêt n’est pas interdit en France : crédit bancaire avec intérêts pour la voiture, pour les études, pour un studio, pour un appartement, pour une maison. Le crédit ribawi (à intérêts) est partout. En revanche, islamiquement, recourir à riba est très grave, absolument grave, gravissime. C’est une abomination. Manger riba, pour reprendre une expression coranique, c’est faire la guerre à Allah !
Manger riba, c’est, selon le Coran, faire la guerre à Allah !
Quel insensé peut-il s’aventurer si loin au point de risquer de mener la guerre contre Allah ? Pourtant, ça et là, il se dit que l’on peut recourir au crédit à intérêts pour acheter une maison. Peu importe que cela soit absolument interdit. On évoque la nécessité (dharura) en oubliant de mentionner ce que signifie très clairement la nécessité et en poussant la mauvaise foi jusqu’à comparer la gêne – rien que la gêne – de payer un loyer au recours absolu à un moyen illicite pour sauver sa vie.
Préfère la TAQWA à la FATWA !!!! #stopriba
— AJIB.fr (@AJIB_fr) 24 Février 2014
La nécessite lève l’interdit, mais ne rend pas halal riba
Dharura, la nécessité, c’est ce qui justifie que, au milieu du désert, le musulman qui risque de mourir de faim peut manger du porc afin de sauver sa vie. Mais, ce dernier mangera le strict nécessaire qui lui permettra de survivre. Il ne se gavera pas d’un cochon entier sous prétexte qu’il lui faut manger pour survivre. Appliquée à l’immobilier, dharura concernerait celui qui s’il ne fait pas de crédit bancaire se retrouverait lui et sa famille dans des conditions extrêmement difficiles, à dormir dans la rue ou sous un pont. Concrètement, il pourra, après consultation d’un savant reconnu qui se penchera sur son cas, recourir à un crédit à intérêts, mais pas pour s’acheter une grande maison, tout juste de quoi mettre sa famille à l’abri le temps de trouver de quoi se loger correctement. De même qu’il ne mangerait pas tout le cochon s’il était dans le désert, de même il n’achètera pas la maison de ses rêves avec un crédit ribawi (à intérêts).
« Ô ! Vous qui avez cru craignez Allah et renoncez au reliquat du Riba si vous êtes vraiment croyants. et si vous ne le faites pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part d’Allah et de Son messager, Et si vous vous repentez vous aurez vos capitaux, vous ne léserez personne, et vous ne serez pas lésés. » Coran sourate 2, versets 278-279
Or, cette précision n’est jamais précisée par les adeptes de riba en France. Pourquoi ? car rappeler ce point élémentaire ruinerait totalement leur discours démagogique qui consiste à dire aux musulmans d’acheter en masse des maisons, tout en minimisant l’abomination qu’est riba. Précisez très clairement le principe de dharura, dans une assemblée, en citant à la fois l’exemple du cochon licite dans une certaine mesure à celui qui risque de mourir et l’exemple de celui qui recourt au crédit à intérêts pour acheter une maison et vous aurez, sinon la totalité, la quasi-totalité de l’auditoire qui sera convaincue que le recours riba est impossible, sauf cas absolument extrême.
Il est fondamental de rappeler ces règles élémentaires. Ensuite, libre à chacun d’agir en son âme et conscience. L’islam a ceci de merveilleux que chacun ne doit rendre des comptes qu’à Allah. La seule exigence est de transmettre le message. A chacun d’entendre ou non la parole divine. Mais, de même qu’il n’est pas question de mettre un policier derrière chaque musulman pour bien vérifier qu’il n’a pas contracté de crédit ribawi, de même est-il fondamental d’exposer clairement la réalité des textes, tels qu’ils sont et non derrière tout un écran de fumée qui flatte les passions et le désir légitime des uns et des autres de devenir propriétaire.
Laissons maintenant la parole à Rachid Abou Houdheyfa, imam de Brest, qui a consacré l’an dernier une intervention à riba. Son propos est étayé par des citations précises, versets coraniques et hadiths accessibles à tous.
Faut-il pour autant renoncer à devenir propriétaire ? Pas nécessairement. Mais là encore, c’est le même problème que pour les mosquées, les écoles privées, le chômage qui frappe les femmes en hijab et les hommes qui portent la barbe : croyons-nous vraiment que tout tombera du ciel sans que nous, musulmans, ne nous retroussions les manches ? Les solutions, nous devons nous musulmans les inventer, les apporter, les soutenir. La baraka viendra in cha’a-Llah de notre abnégation face à la tentation de déclarer la guerre à Allah, Exalté soit-Il, et à nos efforts pour contourner l’obstacle du crédit ribawi. La baraka ne peut venir d’une abomination telle que riba. Qu’Allah préserve la communauté de ce fléau. Amin.
Author: James Ford
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